Satisfait du texte de loi voté par les parlementaires, le Président de la FNSafer, Emmanuel Hyest, espère cependant qu’une future loi foncière parviendra à l’avenir à soumettre toutes les sociétés foncières au contrôle des SAFER.
Les parlementaires viennent d’entériner un texte de loi qui élargit le pouvoir de préemption des SAFER. Cependant, leur nouveau périmètre d’intervention a beaucoup évolué au cours des débats parlementaires. L’estimez-vous suffisant ?
Emmanuel Hyest : le texte de loi reprend les dispositions de la loi Sapin 2 qui avaient été censurées sur la forme par le Conseil Constitutionnel. Nous sommes donc plutôt satisfaits que ce volet ait pu réellement être discuté sur le fond et être adopté. Cela contribue à apporter plus de transparence sur le marché foncier agricole. Il faudra cependant parvenir à faire une vraie loi foncière qui inclue l’ensemble des sociétés porteuses de foncier… Cela ne signifie pas que les SAFER devront exercer leur droit de préemption sur toutes. Mais un contrôle sur toutes ces sociétés est indispensable.
Est-ce à dire que les exempts de dernière minute comme les fameuses SCEA devront un moment ou un autre intégrer votre périmètre d’intervention ?
E.H. : L’idéal serait d’obtenir la même transparence sur les sociétés porteuses de foncier qui existe aujourd’hui pour les personnes physiques. Avec ce texte de loi, on obtient une transparence un peu améliorée… en demi-teinte. Cela dit, c’est toujours mieux que nos capacités d’intervention d’avant.
Peut-on aller plus loin pour lutter contre l’accaparement des terres ?
E.H. : Ce qu’il faut comprendre est que le fait sociétaire n’est pas problématique. En revanche, constituer une société et s’en servir pour déroger à la loi l’est. Mais, une société peut aussi porter du foncier comme les GFA notamment, sans que cela pose un problème. Et ça n’est contesté par personne. Les sociétés foncières… ça n’est pas un gros mot. Il faut cependant qu’on puisse les contrôler.
« Ceux qui nous critiquent sont aussi ceux qui estiment que l’installation des jeunes agriculteurs les empêche de s’agrandir ».
Vous avez été très chahuté durant les débats parlementaires. On vous a notamment reproché un « comportement de marchand de biens ». Pourquoi ces critiques à votre égard, selon vous ?
E.H. : Ceux qui nous reprochent d’intervenir sont eux-mêmes souvent des « accapareurs ». Je rappelle quand même qu’au regard du nombre de notifications que nous recevons, nous n’exerçons notre droit de préemption que dans moins de 1{2eaae650f11d06c2199b72090bf828e5357ce98639e204aacd5e6755f4675809} des cas. Cela signifie que la majorité des dossiers fonciers se font dans une totale transparence à l’égard des SAFER. Et puis, ceux qui nous critiquent sont aussi ceux qui estiment que l’installation des jeunes agriculteurs les empêche de s’agrandir.
Il vous a aussi été reproché d’aller au-delà de vos missions : d’exercer un contrôle sur le fait d’exploiter et non plus seulement sur la propriété. Qu’en pensez-vous ?
E.H. : C’est de plus en plus lié aujourd’hui. Les Chinois de l’Indre étaient surtout intéressés par le fait d’exploiter. Et c’est bien parce que l’on devient propriétaire que l’on peut être exploitant… Pendant longtemps, les acheteurs de terres agricoles le faisaient en vue de spéculer sur le prix du foncier. Ces gens n’étaient pas exploitants. Aujourd’hui, c’est différent, il existe des investisseurs qui sont essentiels à l’agriculture, des personnes physiques qui achètent du foncier pour le louer aux agriculteurs. Ces gens sont très largement positifs pour la Profession Agricole. Et les SAFER leur attribuent en moyenne, sur une année, 25{2eaae650f11d06c2199b72090bf828e5357ce98639e204aacd5e6755f4675809} des terres restituées. Mais, il existe aussi des personnes comme les Chinois dans l’Indre. Ou encore des personnes qui mettent des terres dans les SCEA pour pouvoir passer aux travers des règles de la SAFER… Et ceux-là sont un danger pour l’agriculture.
Avez-vous évalué le nombre de nouveaux dossiers sur lesquels vous allez pouvoir intervenir à partir de mai 2017 ?
E.H. : Nous ne l’avons pas encore fait. Parce que les échanges parlementaires allant dans un sens puis dans un autre, nous n’avons pas encore pu évaluer ce chiffre. Mais ce qui est sûr, c’est que les personnes morales qui portent du foncier sont aujourd’hui en nette augmentation.